Planter des arbres pour lutter contre le changement climatique : Greenwashing ou solution miracle ?

Il y a quelques années, un bouton est apparu sur les sites des compagnies aériennes. Payer 1 ou 2€ en plus sur votre vol pour compenser les émissions de votre vol, souvent en finançant la plantation d’arbres. Ryanair, Colruyt Group ou encore le groupe britannique Coldplay mettent en avant cette solution pour atteindre la neutralité ou quasi-neutralité carbone.

Planter des arbres est-il vraiment une réelle solution miracle contre le changement climatique ?

Priorités oubliées : réduire les émissions et protéger les forêts existantes

Les experts sont d’accord : les arbres ont un impact positif sur notre environnement. Ils absorbent du carbone, stabilisent les sols, favorisent la biodiversité et rendent de nombreux services écosystémiques. Mais encore faut-il bien s’y prendre.

La priorité doit être de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Les humains rejettent chaque année des dizaines de milliards de tonnes de CO2. Il est important de comprendre que l’émission et l’absorption du CO2 se fait dans un processus naturel qu’on appelle le cycle du carbone. Cependant, les activités humaines ont provoqué un déséquilibre dans ce cycle. Il est estimé que nous avons contribué à un excès de 2575 gigatonnes (1 Gt = 10⁹ tonnes) de CO₂ dans l’atmosphère. Ce carbone devra être progressivement réabsorbé par des solutions technologiques, les océans et la végétation. Plus on émet, plus il faudra compenser. C’est pourquoi la priorité doit rester la réduction des émissions, pour qu’un jour ce chiffre commence enfin à diminuer.

Une autre action essentielle est la protection des forêts existantes. On ne plante pas une forêt en un jour : elles sont souvent l’étape finale d’une longue succession écologique, c’est-à-dire l’état le plus stable d’un écosystème. Les forêts ont une grande valeur en termes de biodiversité, de services écosystémiques et de stockage du carbone. Lorsqu’elles sont détruites, ce carbone est libéré dans l’atmosphère. C’est ainsi que la déforestation pour l’agriculture contribue chaque année à nos émissions mondiales environ 2.6 milliards de tonnes de CO2. De plus, les arbres coupés et autre végétation de la forêt détruite ne joueront plus aucun rôle dans le cycle du carbone.

La course aux arbres :

Pour séduire le public ou les bailleurs de fonds, de nombreuses initiatives se concentrent sur le nombre d’arbres plantés. Cet indicateur simple est quantifiable et facile à communiquer. C’est pour cela qu’on observe une quasi-obsession avec le nombre d’arbres plantés plutôt qu’un intérêt pour leur survie à long terme ou leur impact écologique.

Dans le pire des cas, des monocultures d’arbres sont plantées dans des zones inadaptées sans consulter les populations locales ni mettre en place de gestion durable.

L’écologiste Thomas Crowther explique que chaque zone potentielle de restauration est différente. Il faut impérativement utiliser les connaissances locales et scientifiques pour évaluer la faisabilité du projet, choisir les bonnes espèces et planifier leur gestion. Cette approche exige plus de travail et donc plus de ressources que les bailleurs de fonds ne sont pas toujours prêts à consacrer.

Une solution qui reste dans les logiques du capitalisme vert.

Un autre élément clé est la transparence. Trop d’entreprises se servent des plantations d’arbres comme outil marketing sans fournir de preuves concrètes : où les arbres sont-ils plantés ? Par qui ? Dans quelles conditions ? Sont-ils encore vivants quelques mois plus tard ? Cette opacité permet à certaines multinationales de se donner une bonne image tout en poursuivant des pratiques polluantes.

Prenons l’exemple d’Ecosia, un moteur de recherche lancé en 2009. Il consacre ses profits pour planter des arbres et sa communication est essentiellement basée sur le nombre d’arbres plantés. Récemment, ils ont remplacé cette métrique par un système de « graines » permettant d’estimer l’impact climatique des recherches. Ce changement illustre un constat important : il faut mesurer les résultats réels, et non se contenter d’un chiffre séduisant.

Pour sortir d’une logique de greenwashing et de capitalisme vert, les entreprises doivent cesser de cacher leur inaction climatique derrière des chiffres séduisants.

Solutions durables :

De nombreuses initiatives de protection et des restaurations des espaces naturels voient le jour dans le monde entier. C’est sur celle-ci que nous devons porter notre attention. La plantation d’arbres peut faire partie d’une stratégie de restauration, mais elle ne doit pas être une solution unique ni systématique. Il est essentiel de recourir à la recherche et à une réflexion préalable sur les meilleures pratiques à adopter en fonction du milieu, du climat et de la population locale.

Quand on parle de changement climatique, il est important d’implémenter des solutions sur le long terme. L’intégration des populations locales est également indispensable pour ce type de projets. Ce sont ces personnes qui ont les connaissances nécessaires des écosystèmes concernés. De plus, il est primordial de financer correctement la gestion forestière et de permettre la création d’emplois et la viabilité financière à long terme de ces projets en incluant des pratiques d’agroforesterie, par exemple.

En conclusion :

La régénération des écosystèmes riches en biodiversité est une étape clé de la lutte contre le changement climatique et reste primordiale pour rendre notre monde plus vivable pour tous les êtres vivants d’aujourd’hui et de demain. Planter des arbres peut y contribuer, mais ce n’est ni la première, ni la seule solution. Ce n’est surtout pas un indicateur fiable d’impact si l’on ignore leur suivi et leur intégration dans un projet global.

Pour éviter de se faire avoir par le greenwashing, il vaut mieux se méfier des initiatives qui mettent simplement en avant le nombre d’arbres plantés et soutenir celles qui travaillent avec des associations locales qu’elles soutiennent ou qui vont présenter leurs résultats en termes d’impact sur la biodiversité.

Paranapura, un projet de reforestation au Pérou soutenu par MATM, en est un bon exemple : une démarche responsable, participative et durable.

Quand il s’agit de lutter contre le changement climatique, la plantation de nouveaux arbres reste une piste importante pour rendre notre monde plus vivable. Ce sont ces démarches responsables, ancrées dans une volonté de transformation réelle, qui devraient être valorisées.

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